Marie-Dorothée

de Croÿ (Princesse Mimi)

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Son Altesse Sérénissime,
Marie-Dorothée,
Princesse de Croÿ et du Saint Empire

Par Jacqueline de Croÿ - 17 mai 2005

Par delà les campagnes du centre de la France, il y avait une toute petit vieille dame, pas plus grosse qu'un tout petit fétu de paille et qui vivait dans un tout petit château nommé Valotte. Elle était Mimi pour les uns, Marie-Dorothée, Princesse de Croÿ pour les autres.



Issue d'une des plus anciennes lignées européennes, la petite princesse était née en 1924 au château d'Azy non loin de là, seconde des huit enfants du Prince de Croÿ et de Solre. La famille vivait en quasi autarcie, comme au Moyen Age avec régisseurs, cuisiniers, gouvernantes, précepteurs, jardiniers, palefreniers, femmes de chambres, vingt-cinq en tout, et les petits princes s'ennuyaient à mourir, rêvant de rencontrer d'autres enfants.

En 1940, les neuf cents ans de gènes guerriers familiaux se mirent à bouillonner. Le vieux prince n'était plus d'âge à rentrer dans l'armée. Quand la France pactisa avec l'ennemi, il rejoignait la Résistance, ce qui était considéré en tant que terrorisme par les autorités. Les villageois le surnommaient "le chef des bandits de la région". Il encourageaient ses enfants à rentrer en guerre, jusqu'aux petites dernières qui étaient encore en barboteuses et allaient effacer les traces des pneus de jeep dans l'allée, comme si elles jouaient dans du sable.

Alors que Léopold intégrait le maquis à l'âge de 16 ans, Mimi et Claire étaient envoyées dans un couvent à Paris, d'où elles aidaient des soldats anglais à traverser la capitale. Elles parlaient anglais, les emmenaient où ils le demandaient, parfois en cachant des pistolets dans leurs cartables. Rien de plus normal dans cette famille qui vivait sous l'exemple de la vieille tante Marie, dont tous admiraient les lourdes condamnations aux travaux forcés pour faits de résistance : 10 ans à chaque guerre.



A la libération, Mimi et Claire devinrent ambulancières pour la Croix Rouge, et leurs chemins se séparaient entre les services français et belges, de Beauvais à Strasbourg. Mimi participa au sauvetage des derniers survivants des camps de concentration, les cadavres empilés, parmi lesquels un bras se levait, celui d'un homme qui n'avait d'autre moyen de faire savoir qu'il était encore en vie. C'était tellement terrible, qu'elle décida de ne jamais manger plus que ce qu'un être humain a besoin pour vivre, et elle tint parole, jamais plus grosse qu'un petit fétu de paille.

De retour au château d'Azy, la petite princesse Mimi qui était une femme de la terre, voulait devenir fermière. Elle demandait l'emprunt que le Crédit Agricole accordait à un taux préférentiel aux fermiers débutants, mais il le lui fut refusé. du fait qu'elle n'avait pas fait son service militaire. Ses parents se portaient alors les garants d'un emprunt ordinaire. Elle repris une ferme et acheta deux vaches, à partir desquelles elle créa le plus bel élevage de Charolais en France : deux cent têtes qui gagnaient les championnats de tous les concours.



Elle labourait ses champs avec des chevaux de trait, puis acheta le premier tracteur et la première moissonneuse batteuse de la région. Elle conduisait ces machines bâties pour des fermiers plus lourds qu'un fétu de paille, avait fait mettre une grosse pierre plate au siège, pour ne pas s'envoler au passage de chaque bosse.

En quelques années, elle dirigeait sept solides ouvriers agricoles. Certaines femmes n'avaient confiance qu'en elle et la faisaient appeler pour les aider à accoucher de leurs enfants. A chaque fois, elle s'écriait :
- Mais... appelez le médecin !
- Elle ne veut pas du médecin : elle veut la Princesse Mimi.

De son élevage exceptionnel, elle obtenait le premier prix de labour jamais décerné à une femme, elle importa les trente premiers taureaux Charolais en Angleterre et puis fut décorée Chevalier de l'Ordre du Mérite Agricole.

Elle était invitée de par le monde et découvrait le pâturage libre au Canada, des veaux laissés aux prés dans des froids polaires étaient en pleine santé, et la pratique lui semblait plus saine que de les enfermer dans des étables tout l'hiver, comme en France. Elle devint alors la première à pratiquer le pâturage libre en France. Les fermiers venaient de partout, certains qu'elle perdrait ses veaux avant la fin de l'hiver. Mais les veaux vivaient en pleine santé et petit à petit, tous suivaient son exemple.

Une ferme de charolais de concours ne ressemble pas à toutes les fermes, car la beauté de la bête passe souvent avant son caractère. Sa maigreur lui sauva la vie, quand une bête la chargeait : la plaquant au mur, sa taille fine entre ses cornes.

Avec l'âge, le plus dur devenait le temps de vêlage, lorsqu'elle devait rester sur le qui-vive, jour et nuit afin d'assister ses charolaises à donner naissance. Parfois, il fallait grimper en hauteur sur les mangeoires de l'étable, passer une corde sous le ventre de la bête et hisser, afin que se croyant soulevée, elle plie les jambes par réflexe, s'allonge et mette bas. Ses ouvriers agricoles l'admirait tant qu'à chaque fois qu'elle décidait qu'une bête devenait trop dangereuse et devait passer à l'abattoir, ils lui répondaient : "Non princesse Mimi. On la garde un an de plus, elle nous donnera d'autres champions."

Approchant la soixantaine, elle était fatiguée et décida de prendre une retraite, en musique. Les jeunes stagiaires lui avaient fait découvrir le Rock and Roll qui l'amusait follement. Beaucoup faisaient des centaines de kilomètres pour la voir tous les ans. Elle se lança dans la poésie, dans la musique, toujours entourée à en faire pâlir de jalousie toute sa génération quand ce 10 mai 2005, Son Altesse Sérénissime, Marie Dorothée, Princesse de Croÿ et du Saint Empire, est morte, à l'âge de 80 ans.

A son enterrement, l'église était si remplie que beaucoup durent rester debout. Sur la place, les princes se croisaient, embrassant ceux des leurs qu'ils aimaient, tournant le visage dans le sens opposé à ceux qu'ils n'aimaient pas. Les anciens du maquis avaient une larme à l'oeil, en entendant l'une des filles du prince Léopold raconter les hommages que rendait son père aux plus courageux. Les fermiers riaient encore du jour où la princesse Mimi essayait d'apprendre à la princesse Didi comment moissonner, car les épis laissés faisaient penser à un champ de brosses à dents. Les gardes chasses étaient en grand uniforme et parlaient de son doublé de sanglier. Des anciens stagiaires à la ferme étaient venus de Hollande lui dire adieu et parlaient de ses fêtes formidables. Les musiciens étaient là aussi, si tristes et fiers, mal rasés, avec leurs longs cheveux et leurs boucles d'oreilles. Au café du village, de la colère, car beaucoup pensaient qu'il n'y avait pas eut assez d'hommage à la si petite et grande princesse.

Adieu Tante Mimi. Merci pour avoir toujours été là, pour le bonheur et rires infinis que nous avons eu ensemble, pour m'avoir aimé comme votre fille, pour avoir tant approuvé mon combat des réseaux de prostitution d'enfants.
Across the country side in the centre of France, lived a very a little old woman, not fatter than a very little wisp of straw and who lived in a very little chateau named Valotte. She was Mimi for some, Marie-Dorothée, Princesse of Croÿ for the others.



Issued from one of the oldest European lineage, the little princess was born in 1924 at the château of Azy not far from there, second of the eight children of the Prince of Croÿ and of Solre. The family lived in quasi autarky, as in the middle-ages, with the help managers, cooks, governess, tutors, gardeners, stablemen, chambermaids, twenty-five all together, and the little princes felt bored to death, dreaming to meet other children.

In 1940, the family's nine hundred years of worriers genes started to bubble. The old prince was no more in age to be re-enter the army. When France made a pact with the enemy, he joined the resistance, what was considered as terrorism by the authority. The villagers would call him "the chief of the local gangsters" and he encourage all his children to join the war, even the youngest, which still wore rompers and were going in the alley, to erase the traces of the tires of jeep, as if they where playing with sand.



As Léopold integrated the armed underground as he was 16. Mimi and Claire were sent to a nunnery in Paris and from which they helped British soldiers to cross the capital. As they spoke English, they could lead them where thy asked, sometimes hiding guns in their portfolios. Nothing was more normal for that family that lived under the example of their old Aunt Marie, of whom all admired the heavy condemnation of hard labour for facts of resistance: 10 years at each war.

At the liberation, Mimi and Claire became ambulance drivers and their ways parted between the French and Belgian services, from Beauvais to Strasbourg. Mimi participated to rescue the last survivors of the concentration camps: mountains of piled up corpses, among which an arm rose, that of a man who had no other way to let know that he was still alive. It was so terrible that she decided as from then, never to eat more that what a human being needs to survive, and she kept her word, never being fatter than a little wisp of straw.

As she returned to the château of Azy, the little Mimi who was an earth woman, wanted to become a farmer. She asked a loan to the Agricultural Credit, who granted it to a preferential rate for beginning farmers, but it was refused... owing to the fact that she had not made the military service. Her parents then stood as the guarantors of an ordinary loan. She took over a farm and bought two cows, from which she made the most important breeding farm of Charolais in France: two hundred heads who gained the first price championship of all the contests.

She ploughed her fields with draught horses, then bought the first tractors and the first reaping/threshing-machine of the area. She drove those machines built for farmers heavier than a wisp of straw and had a large flat stones adapted on the seats, not to fly each time she drove above a bump.

In a few years, this very little woman directed seven solid farm labourers. Many women relied only on her and always sent for her when they had to give birth to their children. Each time, she exclaimed:
- But... call the doctor!
- She does not want of the doctor: she wants Princess Mimi.

From her exceptional breeding farm, she got the first price of plough ever given to a woman, she imported the thirty first Charolais bulls in England and she was decorated Chevalier of the Agricultural Order of Merit.



She was invited around the world and discovered free pasturing in Canada. The calves left in the meadows in arctic cold were in full shape and she found the practice healthier than to lock the cattle in sheds all the winter, as in France. She thus became the first farmer to practise free pasturing in France. Farmers came from everywhere to see, convinced she would loose most of her calves before end of the winters. But the calves lived healthier than ever and gradually, all followed her example.

A contest Charolais farm does not resemble all the farms, as the beauty of the animal often passes before its character. Her skinniness saved her life, when an animal charged her: plated her to the wall, her waist stuck in between its horns.

With the age, hardest became calving time, when she was to remain on the alert day and night in order to assist her Charolais cows to give birth to their calves. Sometimes, it was necessary to climb in height on the mangers perched in the cattle shed, to pass a rope under the belly of the animal and hoist it, so that the animal believed to be raised and by reflex, would fold the legs, lie down and give birth. Her farm labourers admired her so much that each time she decided that an animal became too dangerous and had to be sent to the slaughter-house, they answered him: "No, Princess Mimi. Let us keep it for one more year, and it will give us another champion."

Approaching the sixties, she was tired and decided retire in music. The young trainees had made her discover Rock'n'roll, what amused her tremendously. Many made hundreds of miles to see her every year. She started to writes poems in the music, always surrounded, what made many of her generation fade with jealousy when this 10 May 2005, Her Serene Highness, Marie Dorothée, Princess of Croÿ and of the Holy Empire has died, at the age of 80.

At her burial, the church was so full that many had to remain standing. On the square, the princes crossed one another, embracing those of theirs which they liked, turning the face in the opposite direction to those that they did not like. The former soldiers of the underground army had tears in the eye, as one of prince Léopold's daughter would to tell how her father paid tribute to most courageous of them. Farmers still laughed as they remembered the day when Princess Mimi tried to teach Princess Didi how to harvest, because the unploughed crop seemed looked as a field of tooth brushes. The games keepers in full uniform would talk about doubled wild boar sound. Former trainees in the farm had come from Holland to bid her good by and talked of the fabulous parties. The musicians were there too, so sad and proud, badly shaved, with long hair and earrings. At the village pub, much anger as many thought there had not been enough tribute to this such little grand princess.

Farewell Aunt Mimi. Thank you for having always been there, for the never ending fun we had, for having loved me as a daughter and for having supported my combat to save children from prostitution networks.


Princess Mimi, First price for plough

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