Marie-Dorothée

de Croÿ (Princesse Mimi)

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Catherine

Malgré une éducation de petite fille modèle, Catherine, dès l'enfance apprit à se « débrouiller ».
Avec une passion viscérale et ancestrale du voyage, elle s'asseyait au bord de la route, pour sentir l'odeur d'évasion, au passage des voitures. Parmi les huit frères et sœurs, a-t-elle eu le record des tours du monde ? Peut-être.

Elle n'eut pas à s'évader des pensionnats, car elle en était toujours renvoyée !
Imaginative et meneuse, les religieuses renonçaient rapidement à garder comme élève ce cas impossible à discipliner. A Azy, elle galopait autour du château, montée sur un cheval noir, ses longs cheveux noirs au vent et son grand chien noir courant derrière. Des invités Canadiens, regardant par la fenêtre, à la nuit tombante, furent persuadés d'avoir vu le revenant du château.

Grande et belle, Catherine, aux cheveux et aux yeux noirs, est douée d'une brillante intelligence et ne manque pas de réparties spirituelles. Jeune fille, elle fut interprète et chargée de relations publiques, employée aux affaires étrangères, pour s’occuper des invités du gouvernement. Protégeant son anonymat, elle se faisait appeler Mademoiselle de Croÿ (prononcé Croix). Furent reçus, à cette époque, les chefs d'états noirs, des ministres, des scientifiques, et entre autres, Monsieur Sukamo, chef de l'Etat d'Indonésie. A cette occasion, Catherine fit faire un détour au défilé des voitures officielles, afin de passer par les Tuileries, Sukarno désirant voir les sculptures, puis par la place de la Concorde. Les motards accompagnaient le convoi, faisant bonne garde. En arrivant à l'Elysée pour le grand dîner, le président Sukarno exprima le désir d'entendre chanter les motards ! Ceux-ci, peu habitués à ce genre d'ordre, s'exécutèrent tout de même, étant sollicités. Ils choisirent une chanson bien connue et chantèrent en chœur : « Joyeux enfants de la Bourgogne ... une femme, oui, oui, oui, une femme, non, non, non, une femme sur les genoux ... etc. » Catherine traduisit le texte et le président Sukarno, ravi, se tapait les cuisses !

Une autre visite officielle, fut celle du président du Malawi. Celui-ci, content de l'accueil, voulut, en échange de politesse, recevoir dans son pays un représentant de l'état Français. Mais, à la surprise des hauts fonctionnaires, au lieu de choisir un ministre, il invita officiellement la modeste interprète : Catherine. Arrivant au Malawi, quelques temps après, elle fut reçue en grande pompe, avec tous les tam-tam, à l'occasion des fêtes de l'Indépendance de ce pays. Une autre fois, elle reçut un ordre de mission pour se rendre à la foire de Canton, en Chine, lors de la révolution culturelle.

Les légendaires paravents décorés d'une darne Chinoise, sous un parasol, étaient modifiés ; ils représentaient des gens en bleus de travail poussant une brouette. L'image de Mao couvrait tous les murs de la ville, les tramways, ou les autobus, le tout accompagné de hauts-parleurs, hurlant ses sentences.
- « Que voulez-vous boire ? » lui demanda-t-on dans un restaurant.
- « Du champagne », hasarda Catherine.
On finit par lui apporter une bouteille, portant ce nom, contenant une parodie infecte et gazeuse. Des gardes-rouges circulaient partout avec des mitrailleuses et taxaient les Européens « d'horribles gens ». Après le dîner, Catherine sortit respirer un peu, s'asseyant sur un banc public. Des enfants jouaient dans la rue et la regardaient comme une bête curieuse. Ils n'avaient jamais vu que des femmes vêtues de bleus de travail, et Catherine portait un tailleur, jupe et veste, pourtant classique et sobre. Elle leva une main pour un petit bonjour amical. Aussitôt les enfants fascinés se figèrent, comme si le « monstre » avait bougé !

Citons une autre anecdote, en passant, parmi des centaines d'autres : un jour que Catherine voyageait en Europe Centrale, avec son amie Marthe de Rohan-Chabot, elles s'arrêtèrent dîner dans un petit restaurant où les habitués étaient des communistes de l'époque. Une conversation s'engagea d'une table à l'autre, au sujet des classes sociales. Avec son sens de l'humour habituel, Marthe de Rohan déclara à l'assistance :
- « Je suis une aristocrate-capitaliste » (Aristocrate, certainement, mais capitaliste, loin de là !)

Toujours est-il que cette phrase lancée provoqua une réaction d'intérêt général dans l'entourage. Enfin, ils voyaient en chair et en os, une personne de cette horrible race et la dévisagèrent sans rien comprendre.

Son Altesse Royale, le Prince Michel de Grèce, un ami de Catherine, la chargea de l'iconographie d'un livre sur les familles royales dans le monde, pour la recherche des documents, ce qui l'amena à se rendre dans tous les Palais d'Europe, de Thaïlande, Formose, Iran, Japon, etc. Etant reçue en confiance par tous les souverains, dont les cousins de l'ancien Empereur de Chine, et le Roi de Thaïlande, elle eut ainsi accès aux collections privées de photos et d'archives.

Pour d'autres causes diverses, elle parcourut les pays du monde, suivant le déroulement des circonstances de sa vie.

En Amérique, elle travailla pour le pavillon français de l'exposition internationale, au Texas, où elle reçut le privilège d'être nommée Citoyenne honoraire du Texas.

Au Mexique, elle fut gratifiée du titre de Charrat (cavalier mexicain). Au cours de tant de périples, elle rencontra bien des gens célèbres, entre autres : Karajan, Miro (qui lui offrit des tableaux), Salvador Dali, qu'elle visita en Espagne, et bien d'autres artistes, hommes politiques et diverses personnalités. Elle a même dansé avec Maurice Chevalier ! Ayant hérité du château d'Azy, elle consacra beaucoup d'énergie à l'entretien et à la survie de la tradition de cette demeure.

Des musiciens réputés s'y rendirent pour des concerts de musique classique, donnés par elle, pour des oeuvres de charité, dont l'aide à la Pologne.

Durant plusieurs années, elle donna un bal pour la jeune génération des neveux, invitant d'autres jeunes, des parents et amis, afin qu'ils fassent des rencontres internationales, ce qui put leur être utiles par la suite dans la vie. Plus de vingt-huit nationalités assistaient à ces bals, où tout le monde était vêtu de blanc, garçons et filles. Des lampions à chaque fenêtre et les allées bordées de flambeaux ajoutaient à l'ambiance une note féerique, qui reste dans la mémoire de tous.

L'ancienne petite élève, renvoyée des pensionnats, fit tout de même oeuvre utile !

Note nécrologique :
Née le 01 avril 1929 à Saint-Benin d'Azy - 58270
Décédée le 10 mai 1992 à Paris à l'âge de 63 ans.